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dimanche 9 octobre 2016

Le Travail, une facette de l'orthodoxie Baye Fall

Tout en fondant une voie particulière, Mame Cheikh influence donc profondément la formation des normes dominantes mourides, au niveau des vertus d’un travail physique pénible au service du marabout et de la prééminence de l’éducation par rapport à l’enseignement (pendant la tarbiya, l’apprentissage au daara). Il disait : « Ma voie est celle du travail dans le sens divin du terme. Travail qui rend tout à Dieu et rien pour soi-même! »
Le travail chez les Baye Fall a plusieurs vertus, il est un moyen religieux d’éducation et d’ascension accessible et efficace, il discipline le corps et libère l’homme saint des préoccupations matérielles. Le travail éloigne l’homme des vices, de l’ennui et le besoin (Source : Charlotte Pezeril dans Islam, Mysticisme et Marginalité), ce que Mame Cheikh avait déjà compris. En réalité il disait souvent : « Un jeune se doit de beaucoup travailler et de d’amoindrir ses tentations ».
Loué pour être le disciple le plus « efficace », Mame Cheikh reçut l’ordre de Serigne Touba pour tenir compagnie à Serigne Habibou Mbacké (frère de sang de Serigne Touba) déjà porté en terre. Baye Moustapha Seck, fils de Djibril Seck (fervent talibé de Serigne Modou Moustapha Fall) célèbre conférencier, ayant rencontré une bonne partie des anciens Talibés de Mame Cheikh nous rapporte que c’est ainsi que Mame Cheikh commença à défricher ses propres villages, tout en se basant sur les lumières divines que Serigne Habibou Mbacké lui lança. Il créa successivement :
  • ''Ndia Keur Madièye'' comme premier village, qu’il légua à Serigne Modou Mbenda et Serigne Mbacké Fall.
  • ''Darou Rahim'' et ''Khourou Mbacké'', légué à Serigne Mortalla Fall
  • ''Darou Mouhit'' (actuel Guéb Fall), légué à Serigne Aliou Fall Mbawor ;
  • ''Bakhdass'', légué aux Talibés ;
  • ''Touba Fall'' (ex Mbam Fall, baptisé par Serigne Bara Mbacké), légué à Serigne Modou Moustapha Fall ;
  • ''Kawsara'', légué à Cherif Assane Fall ;
  • ''Nguiguiss'', légué à Serigne Abdou Shakor Fall ;
  • ''Gouy Nguène'', le dernier village qu’il a défriché, légué à Serigne Abdoulahi Fall Ndar ;

Photo : Ancienne concession de Mame Cheikh à Thiès (source: Oumar Ba, dans Ahmadou Bamba face aux autorités coloniales)

Aujourd'hui comme hier, les vrais Baye Fall continuent à défricher chaque année des centaines d'hectares, en abattant en une journée des superficies importantes. Et ces villages ont été envisagés comme une structure éducative, religieuse et sociale, qui promeut la tarbiya, mais aussi une période de formation pour le disciple parce qu’ils permettent de s’endurcir et d’acquérir un certain détachement par rapport aux épreuves de la vie. 

jeudi 6 octobre 2016

Debriefing sur le passage de Mame Cheikh à Saint-Louis


Saint-Louis, baptisée en hommage au Roi de France, Louis IX, sous la régence de Louis XIV, a été fondée en 1659 par Louis Caullier. Dans cette ville tricentenaire, des Marabouts de différents bords y ont souffert, mais ont apporté un plus significatif pour le développement de l’islam. Cheikh Ibra Fall, parmi ces Marabouts, fut envoyé pour une première fois en 1888 à Saint-Louis par son Maitre Cheikh Ahmadou Bamba, après avoir reçu la gratitude de ce Dernier.

Sa vie et oeuvre,


Etabli à Saint louis 7 ans avant la déportation de Cheikh Ahmadou (1895), Cheikh Ibra Fall a vécu pendant longtemps au rivage de la mer (Guet Ndar) avant d’être hébergé par Cheikh Atoumane Diop de Thiongo son ami d’enfance, qui était locataire chez Soxna Fat Déthié, avant d’être son Beau-fils car ayant épousé sa fille du nom de Khadidiatou Gnigue. Soxna Fat Déthié est la femme dont Mame Cheikh avait ressuscité, une de ses miracles les plus célèbres à Saint-Louis. En effet, Mame Cheikh aurait émerveillé la population Saint-Louisienne, du fait de sa vie miraculeuse, les anciens nous apportent qu’Il avait même fait marcher un handicapé. Selon Cheikh Bintou Fall (fils de Serigne Modou Abdoulahi Fall Ndar), à Guet Ndar, S. Fallou Fall faisait des apparitions à Cheikh Ibra Fall dans la mer avant sa venue au monde ;
Cheikh Ibra Fall lui demanda : « Qui es-tu? »
S. Fallou Fall répondit : « Je suis Fallou Fall, fils de Mame Cheikh Ibrahima Fall et de Soxna Fat Fall Wade ».
S. Fallou Fall (1890-1918) né à Saint-Louis, fut le premier fils de Mame Cheikh Ibra Fall, il a été envoyé très tôt à l’âge de 13 ans par son père chez Cheikh Ahmadou Bamba à Mayumba (Gabon) pour assister ce Dernier. Il faisait partie du premier contingent de l’armée française sous le matricule de 2222, lors de la Première Guerre (1914-1918). Il est décédé en Grèce selon des sources sures sa tombe n’est toujours pas connu. Durant ces 28 ans Serigne Fallou Fall avait fondé une famille (3 femmes et un fils du nom de Serigne Mbacké Fall décédé très tôt), et des Daara (Diogo, Nguéndiènne).
Nombreux des fils et filles de Mame Cheikh ont vu le jour à Saint-Louis, dont Serigne Modou Moustapha Fall (1893-1950) née à Darou Salam une banlieue de la ville, Serigne Abdoulahi Fall Ndar (1896-1975), et autres. En outre, selon Serigne Makhtar Mbaye (fils d’un Cheikh), Cheikh Ibra aurait inhumé ces trois filles (identifiées sous les noms de Soxna Fatou Fall Cheikh, Soxna Bousso Fall, Soxna Oumou Kalsoum) dans les cimetières de Guet Ndar appelé Thiaka Ndiaye (voir Photo 1). 

                            
Photo 1: Cimetières de Guet Ndar appelé Thiaka Ndiaye. 

Sous l’influence Soxna Fat Déthié, Mame Cheikh obtient son premier titre foncier, l’actuelle école Cheikh Touré, qu’il appela Dawlu (Guet Ndar).
Drainant des centaines de disciples, et dans le but de propager la voie du Mouridisme, Il s’installa à Ndaay Fall.
Successivement Mame Cheikh Ibra Fall s’installa à nouveau à Toggou (Gandiol) ou Serigne Mafal Niang et Serigne Ibrahima Sogue deux érudits ont fait leur pacte d’allégeance envers Lui. C’est d’ailleurs à Toggou qu’il  rédigea son livre appelé « Jazbul Mouride », dont l’objet était une réponse à Demba Yeumbou Diop et Mayara Dioum deux autres érudits qui contestaient sa religion du fait qu’il ne pratiquait pas la Prière et le Jeun.
Mame Cheikh quitta Toggou pour Diarra (Tassiner), lieu de naissance de Cherif Assane Fall (1900-1980). Cette propriété lui a été affectée par les blancs ou il s’activait dans le maraichage. Baye Adama Sarr nous rapporte que durant tous ces déménagements Mame Cheikh était accompagné par son  frère Mame Saliou Fall, qui était chargé de baliser le terrain avant l’arrivée de Celui-ci.
Alors qu’il fut envoyé à Saint-Louis, Cheikh Ibra était censé travailler et de reverser une somme de 2000 pièces à l’époque en guise de remboursement à Mame Ass Kamara en faveur de Serigne Touba. Selon des sources proches de la section culturelle du Kurel qui organise le Magal des deux Rakkas, Serigne Touba est venu pour la première fois à Saint-Louis en 1872-1873, sur invitation de son ami Cheikh Malamine de Guet Ndar, alors qu’il n’avait que 18 ans. Il y a effectué une deuxième visite en 1884 à Darou Salam comme on appelait Saint-Louis avant les colons pour répondre, au quartier Sud, à une autre invitation de Mame As Kamara, marabout de son premier hôte

Il (Cheikh Ibra) lui était aussi chargé de contribuer financièrement à la construction de la Zawiya Tidjane (Mosquée) dirigé par El Hadji Malick Sy, avec qui il entretenait des relations amicales.


Mame Cheikh, le Grand intellectuel


Fin diplomate en négociation, Mame Cheikh Ibra Fall entretiendra de multiples correspondances avec l’Administration française (Louis Desmette, Commandant Carpot…) sur les conditions de détention de Serigne Touba.
En effet, Mame Cheikh Ibra Fall devient toutefois un interlocuteur privilégié des Français. Après une période de méfiance réciproque, les relations entre Mourides et colons s’améliorent.

                             
Photo 2: Pont Faidherbe

En coulisses, quand tout le monde s’activa pour la libération du Cheikh, ce fut lui officiellement, qui écrivit au gouverneur du Sénégal pour demander la libération du Cheikh qui est entre les mains des Français. A titre illustratif, en 1907 il aurait versé une caution de 4000 pièces (soit 8 milliard de FCFA) dans le budget français, afin que son Marabout puisse être libre. Et c’est ainsi que son vœu coïncide avec l’ordre d’ALLAH à Cheikh Ahmadou Bamba de quitter Mauritanie pour Thiéyène Jolof.
A l’époque Sans pourtant en prendre l’apparence Cheikh Ibra Fall, était l’un des plus puissants économiquement parmi les Mourides. Il était propriétaire de plusieurs maisons à Saint-Louis. D’ailleurs, dans ses lettres à l’Administration, il était écrit «Ibrahima Fall marabout-propriétaire».
Mame Cheikh Ibra Fall prônait une paix intérieure imperturbable, une foi inébranlable à Cheikh Ahmadou Bamba, une discipline spectaculaire, un amour du prochain indéfectible et mieux un art de la générosité raison pour laquelle les blancs l’appréciaient jusqu’à baptisé le nom de leur fils à Lui.
Il était citoyen et patriote infrangible car ayant participé au développement de la Ville de Saint-Louis. Drainant des centaines de disciples, qui travaillaient dans l’administration française, selon S. Ndiaga Diop, il fut le premier a organisé un Set-Setal (activité de nettoyage gratuit du quartier) à Saint-Louis.
Remarquablement intelligent, il envoya ses deux fils Chérif Assane Fall et S. Aliou Fall Mbawor à l’école des fils de chef, car il sut, d’un jour ou l’autre les fils de Cheikh Ahmadou Bamba auront besoin de leurs expériences et capacités.
Néanmoins, Mame Cheikh Ibrahima Fall marqua un point dans l’histoire de la ville de Saint-Louis, jusqu’à des époques anciennes ou nous étions dévalorisés, désacralisés, Il s’est porté comme avocat pour plaider le Mouridisme et l’islam en général. Et il nous prédisait de par son habillement (boubou noir et blanc) : « Le jour du jugement dernier c’est moi qui réglerai le compte des hommes noirs et blancs ».